Les aventures d’une famille en Assam – Partie 2: Majuli

Les aventures d’une famille en Assam – Partie 2: Majuli

PARTIE 2 : Île de Majuli

Pouvez-vous imaginer l’euphorie de deux enfants de cinq ans le jour où ils montent sur un ferry?

A bord de la jeep Gurkha, nous sommes de nouveau sur la route avec deux enfants très enthousiastes. Nous nous dirigeons vers Nimatighat près de Jorhat qui sert de d’embarcadère pour l’île de Majuli. Les filles ne pouvaient tout simplement pas attendre pour monter à bord du ferry. Quand il est arrivé, elles savaient déjà où elles s’asseoiraient et où elles grimperaient. Ce serait le pont supérieur! En attendant, nous nous sommes assis sur des sacs de sable tapissant la rive, observant patiemment le « système » lent et chaotique de l’embarquement. Piétons, bagages, voitures, vélos et motos s’imbriquent spontanément sur le ferry. C’est comme ça que cela se fait tous les jours. Et c’est ainsi que fut la première traversée en ferry des filles vers l’île de Majuli.

Majuli signifie « terre entre deux rivières parallèles ». L’île fut formée par la confluence de Brahmapoutre et ses affluents. C’était autrefois la plus grande île fluviale au monde. Mais aujourd’hui, elle se trouve à la deuxième place, perdant constamment ses terres à cause de l’érosion et des inondations causées par le puissant fleuve Brahmapoutre. On estime qu’environ deux tiers de sa superficie a été emportée par le fleuve au cours des 40 dernières années. La superficie autrefois de 1 250 km² est maintenant réduite à 420 km² et diminue chaque jour. L’avenir de cette île fragile est maintenant entre nos mains il faut agir à l’échelle mondiale, locale et personnelle pour sauver ce que nous avons. En tant que voyageurs visitant cette capitale culturelle de l’Assam, si elle est faite de manière responsable, beaucoup peut être fait pour contribuer à soutenir et conserver la vie sur l’île.

A bord du ferry, nous avons beaucoup parlé de l’île, de l’immensité du Brahmapoutre et de la vie qu’elle procure et reprend. Pour les filles, c’ést un paradis aquatique, une terre de boue et d’éclaboussements illimitées. Les deux jours suivants, nous avons loué des scooters pour visiter l’île. Il a fallu ajuster l’itinéraire afin que les balades que nous avions prévu et les endroits que nous voulions visiter soient entrecoupés de suffisamment de points d’eau pour les filles puissent se défouler.

Notre premier arrêt fut une petite rivière sous un pont que nous avons traversé sur le chemin d’un village de la communauté Mishing. Ses eaux claires peu profondes et son sol argileux étaient exactement ce que les filles recherchaient. Le temps restera suspendu aussi longtemps qu’elles le voudraient. Et juste avant qu’elles ne supposent qu’il soit sans fin, nous les avons progressivement extirpé pour une promenade dans le village. Nous nous sommes tranquillement promenés dans ses allées pour profiter du rythme de la vie du village et apercevoir les maisons en bambou uniques construites sur pilotis de la communauté Mishing . Les femmes travaillaient sur le métier à tisser sous la maison sur pilotis tissant leurs textiles, leurs enfants sur un mini métier à tisser à côté du leur, et tout le monde était engagé dans diverses activités ménagères ou dans les champs dans une atmosphère sereine. La vie de village paisible ètait beaucoup plus apprèciable en contraste avec le rythme de la vie citadine. Un rapide tour d’horizon me permis de constater que le village était entièrement fait de bambou. C’était vraiment un modèle de village durable et responsable.

Les filles commençaient lentement à s’imprégner du calme, exactement ce dont nous avions besoin avant un copieux déjeuner à Dekasang, une retraite d’artistes. C’est ici que l’on peut déguster un délicieux poisson mariné à la moutarde et cuit au barbecue dans une feuille de banane accompagné d’autres spécialités locales. Après le déjeuner, nous sommes retournés à la maison d’hôtes se remémorant encore les saveurs de ce poisson au barbecue. Nous avons passé un après-midi détente dans la maison d’hôtes tandis que les filles ont continué à jouer dans le jardin. Le soir, nous avons dégusté une bière de riz locale aux arômes fumés, localement appelée « kala apong », tout en nous réchauffant autour d’un feu. Chaque jour était une célébration du bon temps passé ensemble, une chose que nous avions appris à ne pas tenir pour acquise en ces temps incertains. Ce soir-là, le dîner était ethnique à la célèbre « Maison d’Ananda », dans sa cuisine traditionnelle Mishing.

Assis sur un plancher en bambou autour d’une cheminée centrale, nous nous sommes blottis autour du feu pour avoir une meilleure vue de notre dîner. La maîtresse de maison ajustait les brochettes de viande placées autour du feu, tout en cuisinant nonchalament un curry de poisson avec des herbes locales. Elle a tout fait sans effort, jonglant entre les plats tout en préparant la table pour nous. Notre assiette était un bel exemple de la nourriture locale – riz gluant cuit à la vapeur enveloppé dans la feuille de bananier, brochettes de poulet et deux variétés de légumes locaux. Si la nourriture était le chemin vers le cœur, c’était ça. C’était la fin parfaite d’une première journée à Majuli.

Outre ses tribus distinctives, Majuli abrite également les moines néo-vaishnivites qui pratiquent une forme monothéiste d’hindouisme connue sous le nom de vaishnavisme. Au XVIesiècle, la réformiste sociale Srimanta Sankardev fonda cette secte hindoue unique et établit des monastères connus sous le nom de « satras » pour servir de centres d’expressions artistiques et spirituelles qui sont pratiqués jusqu’à ce jour. Les moines s’engagent dans la musique dévotionnelle, la danse et l’art pour représenter des scènes des épopées hindoues – Le Ramayana et le Mahabharata. Assister à une danse dans les satras a toujours fait partie de mon itinéraire Majuli, mais pas cette fois. Nous ne nous attendions pas à ce que deux filles très énergiques s’assoient et regardent ce spectacle dont elles ne saisirait pas trop le sens. Le lendemain, nous nous sommes arrêtés au satra de Samaguri pour voir les différentes étapes de fabrication des masques que les moines utilisent dans la danse et le théâtre, en particulier pendant le festival Raas Mahotsav (un grand festival en plein air qui a lieu chaque année à la pleine lune de Novembre). Notre objectif, étant la fabrication des masques, nous nous sommes dirigés vers les ateliers pour voir les moines à l’œuvre. Ici, les filles ont regardé de façon intrigante les moines travailler avec de l’argile et de la peinture pour créer leurs masques colorés.

En conversation avec l’un des moines, nous avons eu une meilleure compréhension de leurs différents processus de fabrication de masques. Ce n’était pas seulement une forme d’art, mais quelque chose qu’ils pratiquent dans la médiation profonde et la dévotion. Ils commencent par créer d’abord un cadre en bambou tridimensionnel pour le visage. Ensuite, des bandes de tissu trempées dans l’argile récoltée sur les rives du Brahmapoutre sont superposées sur le cadre, et sur ces dernières un mélange de bouse de vache et d’argile est utilisé pour créer la profondeur et le contour nécessaires. Les fibres comme le jute créent des barbes et d’autres traits du visage. Seuls les pigments naturels ont été utilisés pour peindre les visages sculptés. Cet atelier paisible de fabrication de masques à Samaguri satra était un bon moyen d’initier les filles à l’univers unique des satras. Leurs visages curieux scrutaient tous les masques exposés, désireux de les essayer afin d’effectuer leurs pitreries. Avec un masque de Garuda et un masque Hanuman, elles étaient devenus les personnages mythiques d’un drame épique, mais nous n’encourageons pas le jeu avec ces œuvres d’art. Une photo était tout ce que nous voulions comme souvenirs de leur première visite d’un satra à Majuli.

Notre prochain arrêt était le village de Salmora pour une expérience tactile en poterie. L’argile est probablement l’un des meilleurs matériaux de jeu pour les enfants. Il leur permet d’être libres et créatifs. Les filles ont regardé le potier marteler l’argile avec des outils en bois et en bambou. Elles ont soigneusement observé le potier façonner les pots à la main, en utilisant des outils spéciaux afin d’atteindre les formes désirées. Après s’être suffisamment entraînés à la maison avec de la pâte à modeler, elles avaient hâte de mettre la main à la pâte et de faire à leur façon. Bientôt, des mini tasses, des pots et des assiettes sont sortis d’un morceau d’argile qu’elles façonnaient. Il fut formellement interdit de détruire leurs créations. Nous les avons emballié avec soin et les avons ramené, une mission impossible à refuser. Nous avons également acheté de l’argile supplémentaire juste au cas où nous n’avons pas réussi à garder leurs objets créés intactes tout au long du trajet retour à la maison d’hôtes.

Après des heures d’amusement, nous partîmes déjeuner sur les rives du Brahmapoutre adjacent au village. Sous un baboul (pommier d’éléphant), nous étendons notre pique-nique pour profiter d’un repas simple de riz et de salade, tout en observant les eaux calmes du Brahmapoutre. Les filles avaient trouvé un passage jusqu’à la rivière à quelques mètres de là, où elles firent trempette et s’éclaboussèrent pendant des heures. Les sortir de l’eau a été une affaire délicate, nécessitant beaucoup de câlins et la promesse d’un film ce soir-là.

Sur le chemin du retour à la maison d’hôtes, nous nous sommes arrêtés à une usine d’huile de moutarde pour voir les vieilles machines servant à l’extraction de l’huile. Les filles ont choisi de rester loin de l’odeur entêtante de la moutarde et restèrent dehors pour jouer avec le tas de graines de moutarde étalées qui séchaient dans la cour. Il y avait toujours quelque chose à faire pour elles, sur un itinéraire parallèle pas trop différent du nôtre. Avec deux enfants heureux, j’ai été ravi d’avoir pu concevoir et exécuter un itinéraire le plus adapté pour un voyage en famille à Majuli.

Cette nuit-là, la bière de riz coula à flots autour d’un feu de camp dans le jardin de la maison d’hôtes. Les enfants étaient à l’intérieur de notre chambre afin de se détendre et profiter d’un film comme promis plus tôt. Elles avaient suffisamment profité de l’eau, de la boue, de l’argile et assez d’activité pour libérer toutes leurs énergies.

Une fois de plus Majuli m’a récompensé par des vacances inoubliables. Le lendemain, nous retournons à la maison, heureux , prêts à reprendre notre quotidien. En ce qui concerne les filles, leurs souvenirs vont continuer pendant une longue période et peut-être tout à fait différent de la façon dont je l’ai écrit ici.

Vous n’avez pas suivi la première partie de notre aventure au Kaziranga ? Lisez-la maintenant : Les aventures d’une famille en Assam – Partie 1: Kaziranga